BALADE DU 10 AOUT 2009


Quel est donc le breuvage qui a fait dire à Baudelaire : »j’allumerai les yeux de ta femme ravie » ?

= Champagne pour le nouveau-né, le baptême du paquebot, la victoire, le contrat signé, l’examen réussi, l’inauguration, l’anniversaire, le mariage… c’est le vin de la fête, l’invité de tous nos moments de joie… mais quel rapport a-t-il avec le méchant petit vin rouge qui jusqu’au XVII ème siècle se récoltait sur les collines de Marne.

A l’époque, le raisin qu’on cueille ici produit un moût de fermentation incomplète qui, pour cette raison même, dégage du gaz carbonique. Les paysans du cru, jadis surnommaient leur vin déshérité « le breuvage du diable » pour son obstination à faire sauter comme un démon le bouchon des flacons où on prétendait l’enfermer.

Nous sommes fin 1638 : Pierre Pérignon voit le jour et est baptisé en janvier 1639, la même année que Louis XIV.

A 20 ans, il entre dans les ordres à l’abbaye bénédictine de Saint Vanne de Verdun où il se révèle un travailleur infatigable et chercheur passionné. 10 ans plus tard, ses supérieurs l’envoient à l’abbaye d’Hautvillers où il occupera pendant 27 ans la fonction de « cellerier » = intendant >>> décision lourde de conséquence pour nous !

L’abbaye est prospère, elle ne cesse d’agrandir son patrimoine et gère son vignoble. On connaît assez bien l’itinéraire du Père Pérignon grâce à Dom Groussard qui le suivit toute sa vie : il fut son biographe fidèle et il a évoqué sa mémoire exceptionnelle ainsi que son odorat et son palais extraordinaires.

Le génie de Pierre Pérignon a été d’utiliser les défauts de ce vin, en apparence rédhibitoires pour les transformer en qualités exceptionnelles. Il mettra d’abord au point un procédé de dosage qui favorise la formation d’une mousse régulière = citation « aux qualités naturelles des vins de Marne à tendance mousseuse, il a découvert que l’on pouvait ajouter un complément de supériorité grâce au principe de la seconde fermentation en bouteille et par addition de sucre ».

Le vin de Champagne peut être obtenu à partir de 3 cépages :

- Le Chardonnay (à peau blanche) le Meunier et le pinot noir (à la peau noire)

Ce sont les piments se trouvant dans la peau du raisin qui donnent au vin sa couleur : on obtient un « blanc de blancs » avec les raisons blancs et inversement pour le rouge.

A la cour de Louis XIV la mode était au vin blanc légèrement rosé –œil de perdrix disait-on à l’époque- mais le fin du fin était le « vin gris » (qui laissera des traces dans notre langue avec l’adjectif « grisant » ou le verbe « griser ». Pérignon cherche à répondre à la demande la cour en fabriquant du champagne blanc fût-ce à partir de raisins noirs. Pour cela il hâte les opérations de pressage ce qui ne laissait pas au moult le temps de colorer le vin par macération. On récoltait à l’époque plus de raisins noirs plus résistants aux rudes conditions climatiques du climat de Champagne.

Les vertus de l’assemblage :

L’autre idée géniale de Pérignon fut de mélanger des vins de diverses provenances et d’années différentes. On peut trouver jusqu’à 60 crus différents dans une seule bouteille.

Le champagne est donc un vin d’assemblage (comme le Bordeaux et non comme le Bourgogne)

Des gourdes vraiment bouchées :

C’est Pérignon qui a pensé aussi à utiliser les antiques crayères gallo-romaines pour entreposer et laisser mûrir le champagne et à abandonner le tampon de chanvre imbibé d’huile pour le remplacer par un bouchon de liège solidement fixé à la bouteille par un muselet en ficelle forte lui-même protégé par une chape de cire.

C’est lui qui a eu l’idée de les positionner en biais et tête en bas pour mieux recueillir le dépôt de levures (qu’il fait geler pour mieux le projeter hors de la bouteille.

C’est lui qui commande à des verriers anglais des flacons en verre épais capables de résister à la pression du gaz carbonique.

La légende raconte que c’est lui qui a inventé la flûte à champagne. Une autre que la première coupe fut moulée sur la poitrine de Mme De Pompadour … on peut choisir sa légende ! C’est la marquise qui disait « c’est le seul vin qui laisse la femme belle après boire »

Dom Pérignon devient aveugle mais sa mémoire et ses sens olfactifs sont si développés qu’il continue à travailler sur les assemblages et qu’il sera surnommé le « moine soleil » grâce à son succès à la cour de Louis XIV.

Des veuves célèbres ( Cliquot, Pommery) contribuent à la renommée du vin .

Des allemands (Krüg, Mumm, Heidsieck, Roederer, Deutz) s’imposent dans le négoce.

Récolté dans des vignes françaises, né du génie d’un moine français, embouteillé par des anglais, bouché par des espagnols, vendu par des allemands et bu dans le monde entier, le champagne est le symbole de ce que l’Europe unie est capable de faire !

LES NOMS DES BOUTEILLES 10 noms bibliques

QUART DEMIE BOUTEILLE MAGNUM (2) JEROBOAM (4) REHOBOAM (6) MATHUSALEM (8) SALMANAZAR (12) BALTHAZAR ( 16) et NABUCHODONOSOR (20)

Pour s’en souvenir : CAR DE BON MATIN J’AI RECOIFFE MA SALE BANANE

Le champagne ne doit pas devenir celui de l’habitude…

Valéry Larbaud : « les liaisons commencent dans le champagne et finissent dans la camomille »

texte préparé par Marie-Michelle Passemard et lu lors de la balade du 10 aout 2009

Lamazière-Basse vue du ciel